L’utilisation de la télémédecine, dans une relation Ville / Hôpital, permet-elle d’améliorer la prise en charge d’un patient porteur de plaie chronique, plaie complexe ? Clément Quélennec, Infirmier Libéral, titulaire d'un DU Plaie brûlures et cicatrisation promotion 2020-2021 - Facultés de Médecine de Nantes, vous propose dans l'article ci-dessous une situation d'usage de téléexpertise dans la prise en charge d'un patient porteur d'une plaie, issue de son travail de recherche. Quelques éléments de conclusions de son mémoire sont également proposés (version complète disponible en fin d'article).
Clément Quélennec porte aujourd'hui un projet de prise en charge par télémédecine des plaies chroniques et complexes ville/hôpital sur son territoire, en relation avec la Consultation plaies à la Clinique Brétéché à Nantes.
Nota : Ce travail n’est pas une étude de cas clinique. Il cherche, via une situation rencontrée, à définir la place et l’intérêt de la télémédecine dans la prise en charge de plaies chroniques et complexes dans un contexte de relation Ville / Hôpital.
Situation d'usage présentée dans le mémoire
Mr B, 82 ans vit à domicile avec sa femme. Le patient présente une claudication intermittente et se déplace majoritairement en fauteuil roulant dans son domicile. Mr B a pour antécédents : insuffisance rénale chronique (mai 2017), cardiopathie ischémique (juin 2013) avec une FEVG <30%, port d’un défibrillateur implantable depuis juin 2013, un épisode de psoriasis en juin 2013, hypertension artérielle, diabète non insulino-dépendant, tabagisme sevré. L’indice de masse corporelle du patient est 26,5. Un écho doppler des membres inférieurs a démontré une altération oblitérante des membres inférieurs de stade 1, sans varice. Les traitements médicamenteux du patient sont les suivants : Amiodarone, Lasilix, Tahor, Allopurinol, Kardégic.
Le début de la prise en charge de Monsieur B remonte au 03 août 2020. Le patient consulte son médecin traitant pour une simple plaie de jambe suite à une lésion de grattage (figure1). Le patient contact notre cabinet infirmier : premiers soins le 4 août. Mise en place d’un protocole tulle gras, compresse bande de crêpe.
Le 24 août, le patient consulte son médecin traitant car pas d’évolution favorable de la plaie. Le médecin traitant met alors l’accent sur l’importance du port de la contention veineuse. Le patient évoque ses difficultés à enfiler ses bas de contention. L’équipe infirmière aidera le patient dans cette tâche afin d’assurer une meilleure circulation et favoriser la cicatrisation. Les soins de plaie sont réalisés un jour sur deux.
Le 10 septembre, nous sollicitons le médecin traitant car l’évolution du lit de la plaie est défavorable. Le médecin observe lors de sa consultation l’apparition de croûtes mélicériques de la face antérieure de la jambe gauche, facilement excoriées et sanguinolentes. (Figure 2)
Le protocole de soins est modifié comme suit : détersion des croûtes, lavage de la jambe sérum physiologique, séchage, tulle gras, compresses et bande de crêpe.
Le 21 septembre, l’équipe infirmière sollicite le médecin traitant car nous observons une majoration des écoulements (figure 3).
Une prescription de contention bi-couche est alors faite. Nous modifions le protocole de soins: détersion des croûtes, lavage sérum physiologique, séchage, application d’un tulle gras, application d’un super absorbant, bande de crêpe. Les soins de plaies sont réalisés tous les deux jours.
Le 28 octobre le médecin voit le patient pour une consultation de suivi. Il note une aggravation de la plaie, avec présence d’œdème malgré la contention (figure 4).
Le médecin envoie alors des photos de la plaie au service expert du Centre Hospitalier de Nantes - Médecine Interne, plaie vasculaire - pour téléexpertise. Le 10 novembre un retour est fait. Il y est diagnostiqué une dermatose pustuleuse érosive, qui nécessite des soins d’hygiène locaux (lavage eau et savon hypoallergique). De plus un protocole de soins est joint.
Il est indiqué de retirer les croûtes et peaux sèches, application de dermocorticoïde, limiter les pansements aux zones érosives (à type pastille) et poursuivre la contention par des chaussettes de grade II. Le protocole est transmis le jour même à l’équipe paramédicale, qui l’appliquera dès le lendemain et ce tous les jours.
Une réévaluation est faite le 26 novembre et transmise au médecin traitant. (Figure 5). Nous observons une nette amélioration du lit de la plaie.
Enfin, le 13 décembre nous clôturons la prise en charge avec une cicatrisation complète de la jambe. (Figure 6) Des conseils sont donnés concernant l’hydratation de la jambe et la mise en place des contentions. Nous informons le patient sur les risques de récidive.
La prise en charge de cette plaie, d’abord complexe puis chronique a duré 116 jours. Le coût des soins infirmiers est de 1667,10 euros. Le coût dispositifs médicaux délivrés par l’officine s’élève à 1 200 euros (source : logiciel de facturation du cabinet infirmier)."
Extrait de la conclusion du travail de recherche de Clément Quélennec :
"Nous pouvons maintenant répondre à notre question de recherche. Oui la télémédecine améliore la prise en charge des plaies chroniques, complexes dans une relation ville/hôpital. Cependant nous souhaitons contraster cette réponse. Les différentes études présentées dans ce travail ne nous permettent pas d’être catégorique. Ces premiers résultats vont pouvoir servir de références comparatives dans le temps. En effet nous ne disposons pas encore de suffisamment de données randomisées sur la question. L’exercice récente de cette pratique en est la cause. De plus il serait intéressant d’évaluer ces pratiques sur un territoire national afin d’avoir des contenus de comparaison incluant les différents milieux (ruraux, urbains) et socio-économiques. Peut-être serait-il intéressant de normaliser les études randomisées afin de pouvoir évaluer de manière efficiente les différents résultats dans le temps ?
La « prise en charge des plaies chroniques, complexes » ne se limite pas à l’objectif de résultat de cicatrisation. Lors de notre travail de recherche, à plusieurs reprises et de manière unanime nous avons pu constater l’intérêt que portent les soignants de ville envers les projets de réseaux dans ce domaine. Les médecins de ville sont favorables et demandeurs de projet de réseau en plaie et cicatrisation. Ces réseaux permettent d’apporter une solution rapide à des problèmes chronophages.
Les patients inclus dans les réseaux de plaies et cicatrisation sont également majoritairement favorables à cette prise en charge. Il est noté une meilleure observance et adhésion au projet de soins. Ceci grâce à deux éléments principaux : diminution du temps d’accès à une expertise, réduction des transports douloureux ou anxiogène.
Les différentes institutions de santé en France encouragent ces nouvelles pratiques avec pour objectif de décloisonner la médecine de ville et la médecine hospitalière. L’exercice en réseau n’est pas le seul outil de la médecine de demain, mais nous pouvons observer une facilitation et un encouragement à la création de CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé) ou MSP (maison de santé pluridisciplinaire).
L’exercice coordonné pluridisciplinaire tend donc à se développer avec un partage d’expertise accrue avec de nouveaux moyens technologiques (développement de la 5G, informatique quantique, diminution du coût des outils numériques...)
Enfin dans le contexte de Pandémie de COVID 19 le cadre législatif français sur la télémédecine a fortement évolué depuis 2020. En effet grâce à plusieurs décrets l’exercice de la télémédecine a pu rentrer dans le quotidien des Français. Cette pratique a donc connu une évolution exponentielle.
Enfin il est important de noter que ces « pratiques devront toujours viser l’intérêt des patients et s’appuyer sur les données acquises de la science » "
Téléchargez l'intégralité du mémoire de Clément Quélennec ci-dessous :
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